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2010-01-14

Pépin le Bref et l'avènement de la dynastie des Carolingiens

Pépin le Bref naît de Charles Martel et doit, à la mort de ce dernier (741), assurer la charge de maire du palais. Il partage toutefois ces fonctions avec son frère aîné, Carloman. Tandis qu'il laisse à ce dernier l'Austrasie et la Thuringe, Pépin le Bref détient la Neustrie, la Bourgogne et la Provence. Carloman et Pépin se partagèrent ses états, mais obligés de lutter contre leur frère Griffon, fils d'une seconde femme, ils pensèrent sans doute affermir leur autorité en élevant un fils de Chilpéric II, Childéric III, en 742.
En 743, le royaume est en proie à de violentes révoltes que les deux frères tentent d'apaiser en rétablissant Childéric III sur le trône. L'année suivante, Pépin le Bref épouse Berthe au Grand Pied. Puis Carloman s'étant retiré au monastère du Mont-Cassin, renonce à ses fonctions en 747 et laisse la totalité du pouvoir à son frère. Soutenu par l'Eglise, Pépin, demeuré seul maître de la monarchie, fit déposer Childéric III en 751 ; et il se fit reconnaître roi des Francs par une assemblée d'évêques, de nobles et de leudes, au champ de mai à Soissons.

Pépin devient donc le premier représentant de la dynastie carolingienne. Le dernier des Mérovingiens, Childéric III fut rasé (il perd les cheveux longs, signe de pouvoir chez les Francs) et finit ses jours, enfermé au monastère de Saint-Bertin, près de Saint-Omer où il mourut en 755. Son fils, du nom de Thierry, aurait vécu obscurément au monastère de Saint-Wandrille. C'est ainsi que s'achève la dynastie mérovingienne.

Mais si Pépin gagne le titre de roi des Francs par son pouvoir, il n'en a pas la légitimité, et cette rupture de la dynastie mérovingienne en appelle une nouvelle qui doit remplacer la succession naturelle de père en fils. Cette continuité est assurée par le sacre royal, continuité de l'onction symbolisant le baptême de Clovis Ier, premier roi franc mérovingien, et l'alliance particulière entre l'Église et le roi des Francs. Là, à Soissons, l'évêque Boniface, son conseiller diplomatique, le sacre au nom de la sainte Église catholique, en lui donnant la sainte onction, en marquant son front avec de l'huile sainte, le Saint-Chrême, pour lui transmettre l'Esprit Saint, comme cela se faisait déjà lors d'une cérémonie chez les rois Wisigoths de Tolède. Par cette onction, le roi des Francs, est désormais investi par Dieu d'une mission de protection de l'Église. De plus, en détenant la force morale du droit divin, il a la charge de "diriger les peuples que Dieu lui confie" selon le dogme catholique, au nom de l'Église, et sous la direction du pape. Mais cette légitimité a un coût politique, celui de la fidélité à l'Église, et à celui qui la dirige, le pape Zacharie, qui, de Rome, donne son assentiment au changement de dynastie.

Le nouveau pape Étienne II (successeur de Zacharie mort en 752) vient, en personne, demander à Pépin son aide militaire contre les Lombards et leur roi Aistulf (ou Astolf) qui menacent Rome. En 753, Pépin le Bref envoie Chrodegang de Metz pour conduire dans le royaume des Francs le pape Étienne II. Le pape Étienne se résout à traverser les Alpes pour solliciter l'aide du roi des Francs, (et c'est la première fois qu'un pape entreprend pareil voyage), parce qu'il n'a pas d'autre choix. Le protecteur habituel de l'Église, l'empereur byzantin, qui règne à Constantinople sur l'empire romain d'Orient, est en mauvaise posture, et affirme ne pas être en mesure de secourir le pape. Le pape est si satisfait des services de Chrodegang qu'il lui accorde le pallium et le titre d'archevêque. Le 6 janvier 754, au palais de Ponthion, au sud de la Champagne, le roi Pépin vient au-devant du pape Étienne II et avec déférence, prend la bride de son cheval, reproduisant de la sorte le geste d'allégeance de l'empereur Constantin le Grand à l'égard du pape Sylvestre Ier. Suite à cet acte habile de politique, Étienne II propose à Pépin une alliance par laquelle il confirmerait par un second sacre, fait par lui-même, la grâce divine sur le roi des Francs et sur ses fils. L'accord définitif se fait le 14 avril, à Quierzy, sur les bords de l'Oise, entre Chauny et Noyon. Le pape apporte son appui spirituel à Pépin, et ce dernier s'engage à offrir au Saint-Siège un domaine assez grand pour le mettre à l'abri de toute agression. Le dimanche 28 juillet 754, à l'abbaye royale de Saint-Denis, Étienne II en personne sacre une nouvelle fois Pépin. Il lui confère les titres de roi des Francs et de patrice des Romains (Patricius Romanorum). Les fils et héritiers de Pépin, Carloman Ier et Charlemagne, tous deux futurs rois, sont aussi sacrés par la même occasion. Leur mère, Bertrade de Laon, reçoit la bénédiction du souverain pontife. Le pape, par cet acte, établit un lien étroit mais continu, entre l'onction faite aux rois de l'Ancien Testament, et celle des rois de la nouvelle dynastie. Ce sacre marque officiellement la fin de la dynastie mérovingienne, et l'avènement de la dynastie des Carolingiens au pouvoir.

Par la suite, Pépin le Bref étend ses frontières, parvient à mettre fin à plusieurs rebellions avant de laisser la place à ses fils, Carloman et Charlemagne.