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2010-01-11

Dagobert 1er, le dernier sursaut de la dynastie mérovingienne

Dagobert 1er (né vers 602, mort le 19 janvier 639)
Roi d'Austrasie : règne de 623 à 629 (du vivant de Clotaire II)
Roi des Francs : règne de 629 à 639 (sans l'Aquitaine jusqu'en 632)

Roi de France, fils de Clotaire II et d'Haldétrude, Dagobert Ier naquit vers l'an 602, fut fait roi d'Austrasie du vivant de son père, en 623, et disputa contre ce prince pour obtenir quelques provinces qui faisaient partie de ce royaume, et qui ne lui avaient pas d'abord été accordées. Clotaire II ne voulut pour arbitres de ce différend que les seigneurs de sa cour, et se conforma à leur décision ; c'était un moyen assuré d'intéresser les grands à maintenir le jugement qui serait porté, et d'enlever à son fils tout prétexte de révolte. Les rois alors se soumettaient volontiers à l'arbitrage des principaux personnages de l'Etat, et les appelaient pour garant des traités qu'ils contactaient afin de se les attacher davantage.
A la mort de Clotaire II, Dagobert ne négligea rien pour exclure de tout partage son frère Caribert (Caribert II ou Charibert), et fit assassiner Bernulfe, son oncle maternel, qui avait cherché à appuyer les droits de son rival, auquel il fut cependant obligé de céder l'Aquitaine. Mais Caribert II étant mort en ne laissant qu'un fils qui lui survécut à peine, Dagobert se trouva maître de toute la France en 632 ; et, comme ses premières démarches avaient montré l'impatience qu'il avait de régner seul, on le rendit responsable d'un événement qui servait aussi bien son ambition. On lui imputa la mort du père et du fils : cette accusation est restée sans preuves.
La facilité avec laquelle les Français consentirent à borner à l'Aquitaine la part du jeune Charibert, ne prouve pas qu'ils eussent senti l'inconvénient de morceler sans cesse l'héritage de Clovis, mais que la puissance des maires du palais, dans chaque royaume, était si grande, qu'il leur devenait avantageux de n'avoir qu'un roi dont l'éloignement favorisait leurs projets. La conduite de Dagobert dans les premières années de son règne lui attira l'amour de ses sujets ; tout le bien qu'il fit, fut attribué à ses ministres, Cunibert, évêque de Cologne, et Arnoul, évêque de Metz, quand, après la retraite du dernier, on le vit se livrer à la débauche, changer de femme, sans respect pour la religion, dont il blessait la morale alors même qu'il enrichissait les églises. Il fit la guerre contre les Eslavons, les Gascons et les peuples de la Bretagne. La première de ces guerres ne fut pas heureuse ; car les Austrasiens, mécontents d'être gouvernés par un roi qui n'habitait pas au milieu d'eux, et qui retenait auprès de sa personne Pépin, leur maire du palais, se vengèrent, en lâchant le pied sur le champ de bataille. Afin de les exciter à mieux servir la cause générale, il leur donna pour roi son fils Sigebert, encore enfant ; ils n'en demandaient pas davantage, le roi mineur avait le titre ; mais tous les grands reprenant leur place au conseil, leurs charges à la cour, les obstacles au rassemblement des hommes armés cessèrent aussitôt, et la guerre reprit avec ardeur. L'événement justifia encore cette fois les raisons politiques du partage de la France en plusieurs royaumes, car les Esclavons furent battus, et le furent par les Austrasiens.
Dagobert ne jouit pas longtemps de la paix générale qu'il avait procurée à la France ; il mourut à Epinay, des suites d'une dysenterie, le 19 janvier 639, et fut enterré à l'abbaye de St-Denis, dont il est considéré comme le fondateur, à cause des grandes libéralités qu'il lui a faites.
Durant tout son règne, Dagobert dut lutter contre la puissance grandissante de l'aristocratie. Exerçant personnellement le pouvoir (ce sera d'ailleurs le dernier des Mérovingiens à profiter de cette situation), Dagobert parvint dans une certaine mesure à contenir ses rivaux. En effet, au cours de plusieurs voyages, principalement en Bourgogne et en Austrasie, le roi affirma son pouvoir en pratiquant une justice de qualité, avec l'aide de ses conseillers, dont le trésorier Didier de Cahors, le chancelier Saint Ouen (Dadon) et Saint Eloi (Orfèvre de profession, Eloi fut, sous Clotaire II, maître de la monnaie ; il est probablement à l'origine de la création du denier d'argent. Puis il fut véritablement l'homme de confiance de Dagobert avant de devenir évêque de Noyon).
Roi justicier, Dagobert travailla aussi à donner à sa cour une réputation de faste, qui traversa les frontières. Il porta ce goût du luxe si loin, qu'il s'était fait faire un trône d'or massif, dont la matière provenait du commerce extérieur qui prit quelque activité sous son règne.
Cependant, Dagobert ne put résister très longtemps à l'aristocratie et dut, dès 634, reconnaître l'indépendance de l'Austrasie à laquelle il donna pour roi son fils aîné Sigebert. Plus tard, ce fut au tour de la Neustrie et de la Bourgogne d'obtenir l'indépendance sous la tutelles de son second fils, Clovis II. Le partage des terres ainsi décidé annonçait la séparation des Francs occidentaux et des Francs orientaux. Dagobert laissa à ses fils un royaume rongé par "les germes de la dissolution" dont les futurs maîtres seraient, non plus les rois, mais les maires du palais, tel Charles Martel.

Dagobert mourut regretté, malgré ses débauches (il eut successivement cinq femmes et un grand nombre de concubines) et son goût pour le luxe, qui l'engageait à multiplier les impôts. Après lui tous ses successeurs porteront le nom de "rois fainéants".
(Source : france-pittoresque.com)
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La chanson du Bon Roi Dagobert
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La chanson célèbre du Bon Roi Dagobert ne date pas de cette époque, mais plutôt de la Révolution française. Selon la légende, Dagobert était tellement distrait qu'il avait l'habitude de mettre ses culottes (ses braies, pantalons) à l'envers. En effet, le roi Dagobert, bien que considéré en France comme un grand roi, ne fut pas aussi malin qu'il y parait. Ne voyant pas plus loin que le bout de son nez (il était myope), Dagobert avait l'habitude, selon Wulfram de Strasbourg (VIIIe siècle), de se prendre les pieds dans les tapis de ses palais et des églises et de chuter, sous les regards médusés des témoins. Bon vivant et populaire, il riait bien souvent de sa propre personne.
Une autre hypothèse avance que la chanson ne parle pas de Dagobert 1er le Mérovingien. Elle est écrite vers 1787 pour se moquer de Louis XVI. Comme il est alors impossible de s'attaquer directement à la personne du roi, les auteurs de la chanson lui donnent le nom d'un autre roi, beaucoup plus ancien. Ils utilisent aussi le personnage de Saint Eloi pour éloigner les soupçons et la censure.

Le bon roi Dagobert / A mis sa culotte à l'envers ; / Le grand saint Éloi / Lui dit : Ô mon roi ! / Votre Majesté / Est mal culottée. / C'est vrai, lui dit le roi, / Je vais la remettre à l'endroit. Comme il la remettait / Un peu il se découvrait ; / Le grand saint Éloi / Lui dit : Ô mon roi ! / Vous avez la peau / Plus noire qu'un corbeau. / Bah, bah, lui dit le roi, / La reine l'a bien plus noire que moi. Le bon roi Dagobert / Fut mettre son bel habit vert ; / Le grand saint Éloi / Lui dit : Ô mon roi ! / Votre habit paré / Au coude est percé. / C'est vrai, lui dit le roi, / Le tien est bon, prête-le moi. Du bon roi Dagobert
/ Les bas étaient rongés des vers ; / Le grand saint Éloi / Lui dit : Ô mon roi ! / Vos deux bas cadets / Font voir vos mollets. / C'est vrai, lui dit le roi, / Les tiens sont neufs, donne-les moi. Le bon roi Dagobert / Faisait peu sa barbe en hiver ; / Le grand saint Éloi / Lui dit : Ô mon roi ! / Il faut du savon / Pour votre menton. / C'est vrai, lui dit le roi, / As-tu deux sous ? Prête-les moi. Du bon roi Dagobert / La perruque était de travers ; / Le grand saint Éloi / Lui dit : Ô mon roi ! / Que le perruquier / Vous a mal coiffé ! / C'est vrai, lui dit le roi, / Je prends ta tignasse pour moi. Le bon roi Dagobert / Portait manteau court en hiver ; / Le grand saint Éloi / Lui dit : Ô mon roi ! / Votre Majesté / Est bien écourtée. / C'est vrai, lui dit le roi, / Fais-le rallonger de deux doigts. Du bon roi Dagobert / Du chapeau coiffait comme un cerf ; / Le grand saint Éloi / Lui dit : Ô mon roi ! / La corne au milieu / Vous siérait bien mieux. / C'est vrai, lui dit le roi, / J'avais pris modèle sur toi. Le roi faisait des vers / Mais il les faisait de travers ; / Le grand saint Éloi / Lui dit : Ô mon roi ! / Laissez aux oisons / Faire des chansons. / Eh bien, lui dit le roi, / C'est toi qui les feras pour moi. Le bon roi Dagobert / Chassait dans la plaine d'Anvers ; / Le grand saint Éloi / Lui dit : Ô mon roi ! / Votre Majesté / Est bien essoufflée. / C'est vrai, lui dit le roi, / Un lapin courait après moi. Le bon roi Dagobert / Allait à la chasse au pivert ; / Le grand saint Éloi / Lui dit : Ô mon roi ! / La chasse aux coucous / Vaudrait mieux pour vous. / Eh bien, lui dit le roi, / Je vais tirer, prends garde à toi. Le bon roi Dagobert / Avait un grand sabre de fer ; / Le grand saint Éloi / Lui dit : Ô mon roi ! / Votre Majesté / Pourrait se blesser. / C'est vrai, lui dit le roi, / Qu'on me donne un sabre de bois. Les chiens de Dagobert / Étaient de gale tout couverts ; / Le grand saint Éloi / Lui dit : Ô mon roi ! / Pour les nettoyer / Faudrait les noyer. / Eh bien, lui dit le roi, / Va-t-en les noyer avec toi. Le bon roi Dagobert / Se battait à tort, à travers ; / Le grand saint Éloi / Lui dit : Ô mon roi ! / Votre Majesté / Se fera tuer. / C'est vrai, lui dit le roi, / Mets-toi bien vite devant moi. Le bon roi Dagobert / Voulait conquérir l'univers ; / Le grand saint Éloi / Lui dit : Ô mon roi ! / Voyager si loin / Donne du tintoin. / C'est vrai, lui dit le roi, / Il vaudrait mieux rester chez soi. Le roi faisait la guerre 16 / Mais il la faisait en hiver ; / Le grand saint Éloi / Lui dit : Ô mon roi ! / Votre Majesté / Se fera geler. / C'est vrai, lui dit le roi, / Je m'en vais retourner chez moi. Le bon roi Dagobert / Voulait s'embarquer pour la mer ; / Le grand saint Éloi / Lui dit : Ô mon roi ! / Votre Majesté / Se fera noyer. / C'est vrai, lui dit le roi, / On pourra crier : « Le Roi boit ! ». Le bon roi Dagobert / Avait un vieux fauteuil de fer ; / Le grand saint Éloi / Lui dit : Ô mon roi ! / Votre vieux fauteuil / M'a donné dans l'œil. / Eh bien, lui dit le roi, / Fais-le vite emporter chez toi. La reine Dagobert / Choyait un galant assez vert ; / Le grand saint Éloi / Lui dit : Ô mon roi ! / Vous êtes cornu, / J'en suis convaincu. / C'est bon, lui dit le roi, / Mon père l'était avant moi. Le bon roi Dagobert / Mangeait en glouton du dessert ; / Le grand saint Éloi / Lui dit : Ô mon roi ! / Vous êtes gourmand, / Ne mangez pas tant. / Bah, bah, lui dit le roi, / Je ne le suis pas tant que toi. Le bon roi Dagobert / Ayant bu, allait de travers ; / Le grand saint Éloi / Lui dit : Ô mon roi ! / Votre Majesté / Va tout de côté. / Eh bien, lui dit le roi, / Quand tu es gris, marches-tu droit ? A Saint Eloi, dit-on / Dagobert offrit un dindon. / "Un dindon à moi! / lui dit Saint Eloi, / Votre Majesté / a trop de bonté." / "Prends donc, lui dit le roi, / C'est pour te souvenir de moi." Le bon roi Dagobert / Craignait d'aller en enfer ; / Le grand saint Eloi / Lui dit : Ô mon roi ! / Je crois bien, ma foi / Que vous irez tout droit. / C'est vrai, lui dit le roi, / Ne veux-tu pas prier pour moi ? Quand Dagobert mourut, / Le diable aussitôt accourut ; / Le grand saint Éloi / Lui dit : Ô mon roi ! / Satan va passer, / Faut vous confesser. / Hélas, lui dit le roi, / Ne pourrais-tu mourir pour moi ?